RDC : les déploiements de force doivent s’accompagner de mesures non militaires
Devant le Conseil de sécurité vendredi, la Représentante spéciale du Secrétaire général en République démocratique du Congo (RDC), Bintou Keita, a noté des avancées significatives dans la gouvernance du pays et dans les préparatifs des élections générales de décembre 2023.
L’envoyée de l’ONU a toutefois déploré, malgré les initiatives régionales destinées à rétablir la paix, les violences perpétrées dans l’Est du pays par les factions armées, qui ont provoqué l’exode de 5,5 millions de personnes, un record en Afrique.
Outre la promulgation de la loi électorale, Mme Keita, qui est aussi Cheffe de la Mission des Nations Unies en RDC ( MONUSCO ), a particulièrement salué la mise en place de cadres de concertation avec les femmes, les jeunes, les partis politiques et la société civile, et les préparatifs pour le lancement de l’enregistrement des électeurs en décembre prochain.
Bonnes performances de l’économie
Devant les membres du Conseil de sécurité , elle a aussi souligné que le projet de budget était en augmentation d’environ 32% par rapport à 2022 et y a vu le résultat des bonnes performances de l’économie et de collectes fiscales record, qui témoignent de progrès significatifs en matière de gouvernance financière et de redevabilité, avec l’entrée en fonction de la Cour des comptes du pays. L’adoption de ce budget devrait permettre d’accélérer la mise en œuvre du programme de développement des 145 Territoires et de doter la Commission électorale nationale indépendante (CENI) des moyens nécessaires, a-t-elle relevé.
La Représentante spéciale a souligné le caractère stratégique de la loi de programmation militaire 2022-2025, estimée à 1 milliard de dollars par an, que le Parlement doit examiner. Cet instrument est essentiel pour permettre la montée en puissance des Forces armées de la RDC (FARDC) et mener à bien les réformes du secteur de la sécurité, deux éléments fondamentaux pour répondre aux défis sécuritaires que connaît le pays, notamment dans l’Est, où les groupes armés continuent de commettre des actes de violence contre les civils.
La plupart des abus sont perpétrés par la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO), les Forces démocratiques alliées (ADF) et le Mouvement du 23 mars (M23) en Ituri et au Nord-Kivu, tandis que les groupes Maï-Maï et d’autres milices ont intensifié leurs attaques contre les civils au Sud-Kivu, a-t-elle expliqué.
Cette insécurité contribue aux violations des droits de l’homme et a « aggravé une situation humanitaire déjà désastreuse », a déploré Mme Keita, qui a estimé à 27 millions le nombre de personnes nécessitant une aide humanitaire, et pour beaucoup d’entre eux, une protection. Signe de la détérioration de la situation, l’augmentation des déplacements internes depuis janvier 2022, qui a porté le nombre total de personnes déplacées à 5,5 millions - le plus grand nombre de cas en Afrique.
Attaques contre des travailleurs humanitaires
L’envoyée de l’ONU a de plus condamné fermement les attaques contre les travailleurs humanitaires, qui ont atteint leur plus haut niveau depuis le début de l’année au cours du mois de juillet, avec 34 incidents enregistrés. Elle a aussi appelé les donateurs à poursuivre leur soutien au Plan de réponse humanitaire 2022 pour la RDC, qui n’a reçu que 37% du 1,88 milliard de dollars requis.
Rappelant le rôle de la MONUSCO, qui travaille avec les FARDC pour mener des opérations offensives dans les zones affectées par les ADF et la CODECO, la Représentante spéciale a souligné que des initiatives régionales conjointes avec la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) sont également en cours pour soutenir la stabilisation de l’Est du pays. « Ces initiatives nécessitent un soutien international constant », a plaidé Mme Keita.
Elle a en outre salué l’adoption, le 6 juillet, de la « feuille de route de Luanda » par les Présidents Tshisekedi de la RDC et Kagame du Rwanda, sous la médiation du Président João Lourenço de l’Angola, actuel Président de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), mandaté par l’Union africaine pour désamorcer les tensions entre les deux pays. Les discussions en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies entre le Président Tshisekedi et le Président Kagame, à l’appui des processus de Nairobi et de Luanda, facilitées par le Président français Macron, constituent « un autre pas dans la bonne direction », a-t-elle relevé.
Ces initiatives régionales et le déploiement de contingents des pays de la CAE doivent aller de pair avec des mesures non militaires, « sans lesquelles aucune paix durable n’est possible », a averti Mme Keita. Selon elle, le processus de Nairobi est indissociable du Programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation. Il faut donc mobiliser les moyens opérationnels et les ressources nécessaires pour doter les autorités provinciales des capacités requises pour sa mise en œuvre.
Mme Keita a aussi encouragé la RDC à poursuivre ses efforts et à fortifier son arsenal juridique pour lutter contre les dérives, notamment en adoptant le projet de loi contre le tribalisme, le racisme et la xénophobie. Elle a constaté qu’au cours des derniers mois, dans le sillage de la résurgence du M23, la crise de confiance entre la Mission et la population congolaise dans l’est du pays s’était aggravée. Cette situation a offert un terrain fertile aux manipulations et stigmatisations contre la MONUSCO, menant à de nouvelles manifestations violentes et à de graves incidents causant la mort de plusieurs dizaines de manifestants et de quatre membres de la Mission.
À la suite de ces incidents, le Président Tshisekedi a ordonné à son gouvernement de réévaluer le plan de transition afin d’accélérer le départ de la MONUSCO. « Nous sommes disposés à travailler étroitement avec le gouvernement à cet effet », a-t-elle assuré.
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